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TROISIÈME PARTIE

Pourquoi était-il né ? pour souffrir et mourir ? lui le pauvre ange, n’avait jamais fait de mal à personne, de quelle faute ce Dieu de bonté l’avait-il puni ?

De ce jour ce fut fini entre moi et Dieu. Jusqu’alors il était ma seule croyance ; mystique, je n’avais jamais éprouvé le besoin d’une foi quelconque. J’aimais la vie, je croyais au bien, je faisais mes efforts pour m’approcher le plus possible de la justice et de la vérité. Ce fut là toute ma religion, je ne crois pas à la mort, mais à la transformation éternelle de la matière, des êtres et des choses, à la perfectibilité de l’individu dans l’humanité. Si j’eusse voulu inventer un Dieu, j’aurais voulu qu’il fût vraiment bon, qu’il ne fût pas toujours disposé à punir les enfants des fautes des parents, si faute il y a.

C’est trop monstrueux !

J’ai horreur de la haine et de la vengeance. Je ne puis donc concevoir un Dieu vengeur.

Enfin le troisième jour, il fallut mettre mon fils bien aimé dans cette affreuse boîte qu’on nomme cercueil, quel horrible moment !!!…

Par une pluie battante, lentement nous nous acheminâmes vers le cimetière de la Chapelle. Au bord d’une allée une fosse de six pieds de profondeur était creusée. C’est là que l’on enfouit mon trésor.

Le retour était triste, cette maison vide et silencieuse semblait un tombeau. J’avais lutté inconsciemment, la détente se fit, je sentais mon cerveau épuisé, je pensais devenir folle. C’était la première fois que je voyais la mort de si près. Ce mort, était mon fils bien aimé !