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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

L. résolut de quitter Paris, et de passer quelques temps en province. Elle nous proposa de garder sa maison pendant son absence, elle reviendrait, disait-elle, lorsque Paris serait plus calme ; nous refusâmes, nous ne voulions pas d’une pareille responsabilité dans un moment aussi agité. Du reste, il était déjà question que le cas échéant on appellerait les anciens militaires à prendre les armes ; mon mari en était un.

Je suis allée chez ma mère, lui demander ce qu’il me fallait faire. Elle me conseilla de quitter la rue de la Glacière, et de me rapprocher d’elle. Justement, il y avait, rue de Lille, au 4me étage, un petit appartement à louer, dont les fenêtres donnaient en partie, sur la rue de Beaune, juste en face où demeurait ma mère, nous avons pris cet appartement, et quelques jours après, nous sommes allés nous y installer.

Inutile de dire qu’il n’y avait plus de travail ; seules les usines métallurgiques et les fabriques d’équipements militaires étaient très occupées, telles que les maisons Cail & Cie, Godillot, à Paris, Schneider au Creusot, etc.

La maison Godillot (ce monsieur était ami de l’empereur) était une caserne, plutôt qu’une fabrique ; elle était située, rue Rochechouart. On y fabriquait l’équipement militaire, des vêtements, des chaussures. On y occupait des ouvriers de tous les corps de métier. C’était dans cette maison qu’on fabriquait les fameuses chaussures, dites godillots, dont nos mobiles, à la première étape, perdirent les semelles. (Depuis ce temps, pour désigner une mauvaise chaussure, le mot est devenu proverbial.)