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QUATRIÈME PARTIE

frelaté, qu’ayant froid et faim, il fût un peu plus gai que de coutume, on le traitait d’ivrogne, etc. Souvent il avait soupé d’un simple morceau de pain et de fromage, il passait ainsi la nuit, tout heureux du sacrifice qu’il s’imposait, espérant aider au salut de la France, sa seule ambition.

Pendant que lui, chair à canon gardant les remparts, rêvait au clair de lune la prochaine délivrance, le Paris riche, en vidant son verre de Champagne, pensait :

Jacques Bonhomme est un ivrogne, un paresseux, il est très content d’avoir l’occasion de se faire tuer, il aime mieux cela que de travailler.

Ces Messieurs croient en Dieu. Quelle étrange idée se font-ils du Dieu de bonté, le Père de tous les hommes !…

La plupart des gardes nationaux de notre bataillon étaient aguerris au maniement des armes, il y avait parmi eux plusieurs anciens officiers, et tous étaient chasseurs. La compagnie était composée presque toute de richards et de commerçants du quartier ; il y avait aussi deux ou trois petits patrons, plus pauvres que leurs ouvriers, ils n’étaient pas vus d’un très bon œil.

Il arrivait souvent des accidents, alors je prêtais mon concours.

Lorsque le général Trochu jugea à propos que le bataillon prit un rôle actif, on lui créa un service régulier.

Je me souviens du premier service lugubre que nous fîmes, ce fut lors de l’explosion de Javel, notre compa-