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QUATRIÈME PARTIE

Voilà les merveilles de la guerre.

Le 6 décembre, le bruit circule de la défaite d’Orléans ; la ville est réoccupée par l’armée allemande.

On ne sait pas qui croire, cela est-il vrai ? cela n’est-il pas vrai ? On passe sa vie alternativement entre le doute et l’espérance. En vérité on n’ose plus aller aux nouvelles. Les affiches commencent à être abandonnées, souvent elles démentent le soir ce qu’elles avaient annoncé le matin.

Le 9 décembre nous sommes aux remparts ; il neige, le froid continue toujours avec plus de rigueur ; le matin, j’ai quitté ma petite famille, mes pauvres petits sont bien malheureux, on ne peut faire de promenades par ce temps, les chéris ont froid à leurs petites mains et à leurs petits pieds, ce matin nous ne pouvions allumer de feu, tant le bois était vert et suintait d’humidité ; ma mère aussi souffre du froid et du manque de nourriture, elle n’est plus jeune, elle a 62 ans. Elle est toujours très énergique et très courageuse, mais elle aussi tousse beaucoup, cela fait pitié, je suis inquiète, les enfants et les vieillards meurent chaque jour par centaines.

Je fais tous mes efforts pour adoucir leur sort, mes moyens sont hélas bien faibles, lorsque je suis aux remparts, ma pensée est vers eux.

Je suis aussi très inquiète de mon mari dont je n’ai pas reçu de nouvelles depuis son départ, est-il mort, est-il blessé ou prisonnier ? Le peu de nouvelles que j’ai apprises c’est que les Prussiens ne font pas de quartier aux Francs-Tireurs.