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QUATRIÈME PARTIE

on a fait une levée en masse, il y a un grand mouvement dans la ville : équipement et départ des jeunes mobiles, nouvelle agitation, nouvelle illusion !

On prépare encore de la chair à canon !

24 décembre, on commence les baraques des boulevards ; ce pauvre Paris épuisé a encore besoin de se faire de fausses joies ; quel assemblage bizarre que ces pauvres petites bicoques, qui n’ont rien à leur étalage, elles n’ont pour hochets que des pantins articulés, caricaturant Bismark, de Moltke et l’empereur, en pains d’épices.

Cela nous va bien, vraiment ; pendant que nous donnons ces ridicules jouets à briser entre les mains de nos enfants, eux les autres, prennent nos fils pour les faire dévorer par le monstre insatiable, la guerre.

Plaisir d’un jour pour les uns,
Deuil éternel, pour les familles.

Le 25, jour de Noël, on m’a envoyé pour moi une livre de beurre et une demi-mesure de pommes de terre. C’est un présent princier. Je n’ai jamais pu savoir qui me l’a envoyé, un garde de ma compagnie, je suppose.

Aux avant-postes, le 22 décembre, le froid est terrible, les soldats, les pieds sur la terre gelée, souffrent horriblement, on ne compte pas moins de 900 morts de congélation.

Le jour de Noël, le froid était si rigoureux que plusieurs gardes nationaux sont morts aux remparts. Moi-même, le matin je suis sortie de ma casemate, j’avais si froid, je fus saisie ; les larmes me coulaient