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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

nous voulûmes partir, nous avions déjà été trompés, il valait mieux partir au plus vite. On nous fit monter dans d’affreux vagons à bestiaux, d’une saleté répugnante, on nous entassait dans ces horribles compartiments où il n’y avait pas de sièges, nous dûmes rester debout.

Notre pauvre homme et son malheureux bébé étaient toujours avec nous, il s’est assis sur une petite caisse carrée, et toujours son cher fardeau entre les bras, ni mieux, ni pire, soufflant légèrement. Je lui donnai encore quelques gouttes de lait qu’il prit assez difficilement. Nous enveloppâmes d’un grand châle l’enfant pour qu’il n’eût pas froid, puis il s’endormit de nouveau.

Enfin pendant deux heures encore nous fûmes cahotés en tous sens, nous roulâmes ainsi, non pas jusqu’à Orléans, car il fallut s’arrêter à la station avant la ville ; tout étant désorganisé depuis les combats à l’entour. Tout à coup, un sifflement aigu annonce notre arrivée ; nous espérions que nos tourments et nos vexations allaient finir, mais encore une illusion !…

Nous avions encore 3 kilomètres à faire à pied, toutes les lignes étaient interrompues, et il n’y avait pas de voiture. Lorsque nous descendîmes, je voulus aider le pauvre père à descendre de cet horrible vagon, le marche-pied étant très élevé, cela fut difficile, je pris l’enfant dans mes bras, il ne fit pas de mouvement, hélas ! nous nous aperçûmes que le pauvre petit était mort ; le malheureux père désespéré, gravissait son calvaire jusqu’au bout. Lorsqu’il comprit tout son mal-