Page:Brocher - Souvenirs d’une morte vivante, 1909.pdf/199

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

m’avait donné un mot pour un prêtre de sa connaissance, qui peut-être pourrait m’être utile.

» Enfin, je suis dehors ; je me demande de quel côté tournera le vent. Je fais quelques pas dans la rue ; j’aperçois un prêtre qui passait, je l’accoste, je lui dis la vérité et ma détresse. Un moment il hésite : « Votre cas est grave, enfin voulez-vous me suivre, je vais au couvent, (pénitencier de l’enfance) peut-être qu’il y aurait possibilité d’arranger les choses, il y a une ambulance prussienne maintenant ; mais il y a encore les pensionnaires ordinaires de la communauté.

» Nous arrivâmes au couvent ; mon compagnon me fit entrer au parloir et il alla trouver le supérieur auquel il expliqua ma situation ; tous deux revinrent, le supérieur me dit :

− Vous avez été un brave, vous n’hésiterez pas à faire quoi que ce soit, nous manquons de personnel pour faire le ravitaillement, voulez-vous nous aider à cette corvée pour quelques jours seulement ? après nous aviserons ; acceptez-vous ?

— Oui, répondis-je ; je n’ai pas à hésiter. Mais si j’allais être reconnu ?

— Vous ne le serez pas ; on vous habillera en charretier, savez-vous conduire ?

— Pas trop, mais j’y arriverai.

» Pendant quinze jours j’ai fait ce métier au nez et à la barbe des Prussiens ; plus d’une fois j’ai eu peur d’être reconnu.

» Quand ces corvées furent finies, le supérieur me demanda si j’avais un métier.