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CINQUIÈME PARTIE

Nous étions installés tant bien que mal ; nos volontaires attendaient l’arme au pied avec courage le signal.

J’avais préparé tout ce qui est nécessaire en pareille circonstances pour nos blessés.

La nuit était sombre, il avait plu légèrement dans la soirée, le ciel avait un aspect assez étrange, tout semblait mystérieux autour de nous ; dans ce silence de mort on apercevait à l’horizon des lueurs d’incendie, on aurait entendu le froissement le plus léger.

Par maladresse un de nos amis, sans le vouloir, fit partir son fusil, ce fut le signal de la lutte, d’une lutte sauvage, il nous tomba une grêle de balles la fumée de la poudre nous aveuglait, les obus labouraient la terre. Tous furent courageux, le combat dura assez longtemps, nous allions à la mort avec conviction profonde du devoir accompli. Oh ! comme on est fort quand on a la foi, la conviction, la conscience heureuse et la gaité au cœur. Nous vengions notre chère France, outragée et vendue, nous donnions notre sang, notre vie pour la liberté ; à chaque étape sanglante nous criions : Vive la République ! Nous n’ignorions pas qu’on voulait écraser Paris pour tuer la République.

Après deux heures de lutte le feu cessa, au loin nous aperçûmes des flammes s’élevant graduellement et avec une plus grande impétuosité ; dans ce lieu presque désert, la nuit cela avait une grandeur sauvage.

La pluie avait cessé, les nuages avaient disparu, les étincelles se projetaient dans le ciel étoilé. C’était la porte de Neuilly qui brûlait, à 3 heures du matin