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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

tous trois dans la voiture, mon mari, ma mère et le blessé retournèrent à Paris.

Le 4 mai dans la matinée, nous quittâmes Issy pour retourner à Paris. Lorsque nous défilâmes, notre drapeau en tête, percé par plusieurs balles et entouré d’un crêpe noir en signe de deuil, notre tristesse enthousiasma la foule, dans les rues, sur les boulevards et particulièrement dans la rue de Rivoli, on nous jeta des fleurs et des branches de feuillage.

Cette manifestation était vraiment imposante, grandiose, je sentais en mon cœur vibrer la grande âme de Paris ; cette sensation sublime qui pénètre et vous transporte comme un rêve sur les ailes d’un avenir meilleur.

Paris fut grand pendant la guerre, il fut héroïque dans sa défaite.

En arrivant à la caserne on nous présenta les armes. Nous comptions 72 morts, le vide était grand. Nous parlâmes beaucoup du courage des absents, lesquels ne reviendront jamais !

Les cadavres de nos morts seront l’humus qui enrichira notre ample domaine, et nos neveux récolteront le fruit de nos sacrifices.

Le lendemain nous devions les enterrer.