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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

changé dans le quartier ; le poste de police qui était mitoyen de la maison où elle habitait était occupé militairement par la Garde Nationale. Elle me raconta que l’on avait tiré par une fenêtre dans la rue de Lille, qu’un garde national avait été tué, qu’à partir de cet instant les gardes nationaux ont exigé que les fenêtres fussent surveillées, ils avaient visité les maisons suspectes et fait promettre qu’aucune tentative de ce genre ne se renouvellerait. Ils avaient établi des postes de surveillance dans la rue de Lille, rue de Beaune, rue de Bac. On disait aussi que les propriétaires du Petit St-Thomas, rue du Bac avaient conservé tous leurs employés pendant la lutte entre Paris et Versailles et les avaient armés jusqu’aux dents. (Les Magasins du Bon Marché n’ont rien fait de semblable.)

Après tous les renseignements donnés, ma mère m’obligea de prendre quelques moments de repos, me promettant de veiller et de me réveiller à la moindre alerte.

Toute habillée je me suis jetée sur un sofa où je n’ai pas tardé de m’endormir, depuis de longs mois je ne m’étais vraiment pas reposée. Depuis le 5 avril elles étaient rares les nuits données au sommeil.

À peine endormie, j’ai fait un rêve étrange, j’ose à peine le raconter, tant je crains d’être accusée d’exagération ou d’invraisemblance, pourtant c’est l’exacte vérité : Le peuple était vaincu, Blanqui et l’archevêque étaient condamnés à mort par la volonté de M. Thiers, lequel m’obligeait d’assister à cette horrible scène, à