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CINQUIÈME PARTIE

ma présence. Sa maison était occupée militairement par la garde nationale. Un des gardes me demandait si je pouvais lui garantir que personne ne tirerait sur eux.

— Je ne le crois pas, lui dis-je, mais pour plus de sûreté, je vais monter chez tous les locataires. Tous me jurèrent qu’on ne tirerait pas par les fenêtres. J’ai donc dit à l’officier de service que je répondais sur ma vie des habitants de cette maison. Cet engagement n’était pas peu de chose en ce moment-là.

Vers les trois heures et demie nous quittâmes ma mère. Lorsque nous passâmes sur le trottoir et sous les fenêtres du Petit St-Thomas, trois coups de feu partirent, nous étions visés. Heureusement les balles ricochèrent et nous ne fûmes pas atteints. Mes amis étaient furieux et criaient : On assassine les passants au petit St-Thomas.

Dans leur excitation (bien naturelle), ils ébauchèrent un semblant de barricade. Je les en ai dissuadés.

— C’est absolument inutile de faire quoi que ce soit dans ce quartier, leur dis-je.

Ils me comprirent et cessèrent immédiatement. Voilà tous les crimes que j’ai commis dans le VIIme arrondissement.

J’ignorais absolument ce qui s’était passé dans le quartier, n’étant revenue que quelques minutes, le 28 mai, dans l’après-midi. J’ai appris qu’il s’y était passé des choses terribles. Les habitants s’y étaient exposés, on ne tue pas impunément derrière les persiennes, les premiers passants venus.