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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

pagnie pendant la guerre). Il était beau, mon poignard, mais il était plutôt un objet de luxe qu’une chose utile. Lorsque j’étais dans la Garde Nationale, je le portais à la ceinture, pendant les évènements, dans mon corsage, sur ma poitrine.

Nous quittâmes cette famille si bonne pour nous, ils gardèrent notre blessé. Nous promîmes à notre ami que nous viendrions le voir. Les évènements ne nous ont pas permis de tenir notre promesse. Je pris notre drapeau, et en tête de ma petite troupe, je me dirigeai sur le XXme arrondissement, où les membres de la Commune s’étaient réfugiés après la prise du XIme arrondissement. Nous arrivâmes au coin du boulevard où commence la rue de Paris (autrefois rue de Belleville). Je n’avais jamais été dans ces quartiers. La rue était très agitée, au moment où nous y pénétrâmes des barricades s’ébauchaient dans le style de 1848, toutes simplettes, sans prétentions artistiques, pour se défendre, enfin non construites telles qu’un brillant décor théâtral, comme il y en a eu dans certains quartiers de Paris, barricades sur lesquelles quelques gavroches avaient déposé des touffes d’herbes et de fleurettes des champs, qu’on allait visiter comme on visite un musée, un tableau de maître. Malheureusement elles ne servirent à rien.

À Belleville on circulait encore assez facilement ; nous y apprîmes qu’on avait vu passer quelques Défenseurs de la République, qu’ils étaient montés du côté de la mairie. On nous dit aussi que beaucoup de gens se sont réfugiés dans les caves, les femmes, les