Page:Brocher - Souvenirs d’une morte vivante, 1909.pdf/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
16
PREMIÈRE PARTIE

invités à s’enrôler ou à partir pour la Sologne, où on leur offrait du travail.

Le 22, Paris fut parcouru dans tous les sens par les groupes irrités. On se regardait, on se mesurait des yeux, à des cris de colère succédait un morne silence. On sentait qu’une bataille était proche, car ce n’est plus ici une lutte politique, c’est une guerre sociale.

Le 23, à 7 heures du matin, 8 000 ouvriers accourus du Panthéon, s’étaient réunis autour de la colonne de Juillet, où les combattants du 14 juillet 1789 étaient tombés au pied du mur de la Bastille. Pujol, le lieutenant des ateliers nationaux, en blouse blanche, les attirait dans ce piège, les excitant jusqu’au délire, tous crient : « La liberté ou la mort. » Une jeune fille, marchande de fleurs, apporte à Pujol un magnifique bouquet de violettes, qu’il met à la hampe de son drapeau rouge. Ce dictateur en blouse blanche donna le signal du combat. À 11 heures, au moment où le tambour de la Garde Nationale commençait à battre le rappel, (Louis Napoléon n’était pas étranger à tous ces troubles) mon père nous disait « Il travaille à désorganiser la République. Il veut s’imposer à la France, il fera comme son oncle ».

Les quartiers des portes St-Denis, St-Martin, le faubourg Poissonnière et du Temple, les Boulevards, les bords du Canal, la Cité, la place du Panthéon sont hérissés de barricades. Rien que dans la rue St-Jacques il y en a eu 38, entre la rue Soufflot et le Petit Pont.

Les 23, 24, 25 juin pour combattre les insurgés, le gouvernement avait à sa disposition 20 000 hommes