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SECONDE PARTIE

Dès que j’aurai un domicile fixe, je t’enverrai ma procuration. Lorsque la petite sera à la pension, elle pourra continuer ses études, toi, tu auras assez à faire pour te débrouiller. Ils seront sans pitié.

En pleurant, il nous embrassa bien tendrement, puis nous quitta, il ne voulut pas que nous l’accompagnassions, naturellement, il partit sans bruit, une petite valise à la main. Ma mère ne l’a jamais revu.

Quelle horrible nuit nous avons passée. La maison était glacée, nous ne nous sommes pas couchées. On entendait un grand bruit dans la rue, des patrouilles passaient toute la nuit, de minutes en minutes.

Au soleil levé, on frappa à notre porte.

— Qui est là, dit ma mère.

— Au nom de la loi, ouvrez dit un commissaire de police, lequel entra, ceint de son écharpe tricolore, accompagné de plusieurs gendarmes. Ils venaient pour arrêter mon père. Ils fouillèrent partout, mais n’ayant trouvé personne, ils menacèrent ma mère de l’arrêter si elle ne disait pas où se trouvait son mari.

— Arrêtez-moi si vous le désirez, dit-elle ; de cette façon vous nourrirez ma fille.

— Nous vous surveillerons, madame, dit le commissaire. Et il s’en alla.

Tout n’était pas fini. Le lendemain plusieurs hommes tout en noir sont venus de nouveau, accompagnés du commissaire de police ; ils bouleversèrent tout dans la maison, prenant ce qui leur convenait. Ils trouvèrent des quantités de journaux, des livres, des tableaux, ils saisirent notre correspondance. Heureusement que mon