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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

tremblant je déchire l’enveloppe, elle contenait une bien triste nouvelle ; mon cher maître était mort depuis quelques jours.

Madame Texier me faisait le récit de ses derniers instants. Il avait été environ 4 jours réellement malade, atteint d’une fièvre chaude ; il voulait qu’on lui lût tous les journaux possibles, parce qu’il était sûr, disait-il, que l’empereur avait été chassé et qu’on allait proclamer la République. « J’ai assez souffert pour elle, j’ai bien le droit d’assister à sa proclamation. Après, cela ne me fera rien de mourir. » Il était furieux contre les siens qui voulaient l’empêcher de sortir ; des amis présents ne pouvaient le maintenir.

Le dernier jour il eut une crise violente, il trouva la force de s’habiller, d’ouvrir une fenêtre par laquelle il voulait fuir pour prendre le train de Paris. Les amis eurent beaucoup de peine à le retenir. Ils l’enlacèrent, le déposèrent sur son lit. Comme je suis fatigué ! dit-il.

— Chers amis, jurez-moi que la République est proclamée.

Ils firent un pieux mensonge.

— Oui, elle est proclamée !

Merci, je meurs heureux !

Il devint plus calme, quelques instants plus tard il avait cessé de vivre. Jugez du désespoir de ses pauvres enfants et de Mme Texier.

J’ai bien pleuré, je n’oubliais pas que sans le vouloir, j’étais la cause de son malheur.

Après sa mort, je n’ai plus eu de nouvelles de sa famille.