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TROISIÈME PARTIE

qu’un surcroît de peine, il s’en alla à la campagne. Il se désespérait, il pleurait, se fâchait !

Enfin l’enfant se rétablit, mon mari revint. Il paraissait plus calme ; la vie ordinaire de travail recommença, la gêne avait disparu, nous pouvions faire face aux exigences de la vie, c’était notre seule ambition. Notre fils nous rendait heureux ; il était joli, un beau blond, aux cheveux frisés, aux grands yeux bleus, doux et vifs ; mais il ne marchait toujours pas.

Vers cette époque j’allais deux fois par semaine chez le docteur Dupas, avec lequel nous nous trouvions alors en relations intimes, rue Mirrha ; il était un membre actif de l’Association Internationale des Travailleurs, fondée le 25 octobre 1864.

Cette société n’avait pas fait en France tous les progrès qu’on attendait. Les fondateurs avaient espéré que le sentiment de la puissance invincible des prolétaires unifiés, aurait bientôt emporté toutes les barrières opposées au socialisme, par le patriotisme, le chauvinisme, l’esprit de clocher. On s’était figuré que tous les ouvriers comprendraient bientôt que leurs amis, c’étaient tous les travailleurs du monde, et que leurs ennemis, n’étaient pas les Allemands, ni les Anglais, etc., mais tous les exploiteurs à quelque nation qu’ils appartinssent, les gouvernants et leurs suppôts. Ce moment d’union devait aux yeux de ses promoteurs s’étendre comme une traînée de feu dans tous les pays civilisés, appeler à la rescousse toutes les forces vives, toutes les énergies, tout l’enthousiasme qui fait faire des merveilles !