Page:Brontë - Jane Eyre, I.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Madame Fairfax, je suppose ? dis-je.

— Oui, en effet. Asseyez-vous, je vous prie. »

Elle me conduisit à sa place, me retira mon châle et me dénoua mon chapeau ; je la priai de ne pas se donner tout cet embarras.

« Oh ! cela ne me donne aucun embarras, me répondit-elle ; mais vos mains sont presque gelées par le froid. Leah, ajouta-t-elle, faites un peu de vin chaud et préparez un ou deux sandwichs : voilà les clefs de l’office. »

Elle retira de sa poche un vrai trousseau de ménagère et le donna à la servante.

« Approchez-vous plus près du feu, continua-t-elle. Vous avez apporté votre malle avec vous, n’est-ce pas, ma chère ?

— Oui, madame.

— Je vais la faire porter dans votre chambre, » dit-elle.

Et elle sortit.

« Elle me traite comme une visiteuse, pensai-je. Je m’attendais bien peu à une telle réception, je croyais ne trouver que des gens froids et roides ; mais ne nous félicitons pas trop vite. »

Elle revint bientôt. Lorsque Leah apporta le plateau, elle débarrassa elle-même la table de son tricot et de quelques livres qui s’y trouvaient, et m’offrit de quoi me rafraîchir. J’étais confuse en me voyant l’objet des soins les plus attentifs que j’eusse jamais reçus, et ces soins m’étaient donnés par un supérieur. Mais comme elle ne semblait pas croire qu’elle fît rien d’extraordinaire, je pensai qu’il valait mieux recevoir tranquillement ses politesses.

« Aurai-je le plaisir de voir Mlle Fairfax ce soir ? demandai-je, lorsque j’eus pris ce qu’elle m’offrait.

— Que dites-vous, ma chère ? je suis un peu sourde, » répondit la bonne dame en approchant son oreille de ma bouche.

Je répétai ma question plus distinctement.

« Mlle Fairfax ? Oh ! vous voulez dire Mlle Varens. Varens est le nom de votre future élève.

— En vérité ? Elle n’est donc point votre fille ?

— Non, je n’ai pas de famille. »

J’allais lui demander comment elle se trouvait liée à Mlle Varens ; mais je me rappelai qu’il n’était pas poli de faire trop de questions, et d’ailleurs, j’étais sûre de l’apprendre tôt ou tard.

« Je suis si contente, me dit-elle en s’asseyant vis-à-vis de moi et en prenant son chat sur ses genoux, je suis si contente que vous soyez arrivée ! Ce sera charmant d’avoir une compagne. Certainement on est toujours bien ici ; Thornfield est un vieux