Page:Brontë - Jane Eyre, I.djvu/175

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Le jour suivant brilla aussi radieux. Il fut consacré à une excursion dans le voisinage ; on partit de bonne heure, quelques-uns à cheval, d’autres en voiture. Je vis le départ et le retour.

De toutes les dames, Mlle Ingram seule montait à cheval, et, comme le jour précédent, M. Rochester galopait à ses côtés ; tous deux étaient séparés du reste de la compagnie. Je fis remarquer cette circonstance à Mme Fairfax, qui était à la fenêtre avec moi.

« Vous prétendiez l’autre jour, dis-je, qu’il n’y avait aucune probabilité de les voir mariés ; mais regardez vous-même si M. Rochester ne la préfère pas à toutes les autres.

— Oui, il l’admire sans doute.

— Et elle l’admire aussi, ajoutai-je ; voyez, elle se penche comme pour lui parler confidentiellement ; je voudrais voir sa figure, je ne l’ai pas pu encore jusqu’ici.

— Vous la verrez ce soir, répondit Mme Fairfax. J’ai dit à M. Rochester combien Adèle désirait voir les dames ; il m’a répondu : « Eh bien, qu’elle vienne dans le salon après dîner, et demandez à Mlle Eyre de l’accompagner. »

— Oui, il a dit cela par pure politesse ; mais je n’irai certainement pas, répondis-je.

— Je lui ai dit que vous n’étiez pas habituée au monde, et qu’il vous serait probablement pénible de paraître devant tous ces étrangers ; mais il m’a répondu de son ton bref : « Niaiseries ! Si elle fait des objections, dites-lui que je le désire vivement, et si elle résiste encore, ajoutez que j’irai moi-même la chercher. »

— Je ne lui donnerai pas cette peine, répondis-je ; j’irai puisque je ne puis pas faire autrement ; mais j’en suis fâchée. Serez-vous là, madame Fairfax ?

— Non. J’ai plaidé et j’ai gagné mon procès. Voici comment il faut faire pour éviter une entrée cérémonieuse, ce qui est le plus désagréable de tout. Vous irez dans le salon pendant qu’il est vide, avant que les dames aient quitté la table ; vous vous assoirez tranquillement dans un petit coin ; vous n’aurez pas besoin de rester longtemps après l’arrivée des messieurs, à moins que vous ne vous amusiez. Il suffit que M. Rochester vous ait vue ; après cela vous pourrez vous retirer, personne ne fera attention à vous.

— Pensez-vous que tout ce monde restera longtemps au château ?

— Une ou deux semaines, certainement pas davantage. Après le départ des invités, sir John Lynn, qui vient d’être nommé membre de Millcote, se rendra à la ville. Je pense que M. Roches-