Page:Brontë - Jane Eyre, II.djvu/238

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les bruits sans qu’aucun résonne jamais. « Où êtes-vous ? » semblait avoir été prononcé sur une montagne, car ces mots furent répétés par un écho. À ce moment, une brise plus fraîche vint effleurer mon front. J’aurais pu croire que Jane et moi nous venions de nous rencontrer dans quelque lieu sauvage ; et je crois vraiment que nous avons dû nous rencontrer en esprit. Sans doute, Jane, qu’à cette heure vous étiez plongée dans un sommeil dont vous n’aviez pas conscience ; peut-être votre âme quittait son enveloppe terrestre pour venir consoler la mienne car c’était votre voix ; je suis bien certain que c’était elle. »

C’était aussi le lundi, vers minuit, que moi j’avais reçu un avertissement mystérieux ; c’était bien là ce que j’avais répondu. J’écoutai le récit de M. Rochester, mais sans lui parler de ce qui m’était arrivé. Cette coïncidence me sembla trop inexplicable et trop solennelle pour la communiquer ou la discuter. Si j’en avais parlé à M. Rochester, je l’aurais profondément impressionné, et son esprit, déjà si assombri par ses souffrances passées, n’avait pas besoin d’être encore obscurci par un récit surnaturel. Je gardai donc ces choses ensevelies dans mon cœur et je les méditai.

« Vous ne vous étonnerez plus, continua mon maître, qu’hier soir, lorsque je vous ai vue apparaître si subitement, j’aie eu peine à croire que vous n’étiez pas une vision, une voix qui s’éteindrait comme quelques jours auparavant le murmure de la nuit et l’écho de la montagne ; maintenant, je vois que vous n’êtes pas une vision, et je remercie Dieu du fond de mon cœur. »

Après m’avoir fait retirer de ses genoux, il se leva, découvrit respectueusement son front, inclina vers la terre ses yeux sans regard et demeura dans une muette adoration. Je n’entendis que les derniers mots de sa prière :

« Je remercie mon Créateur, dit-il, de s’être souvenu de sa miséricorde à l’heure du châtiment, et je supplie humblement mon Sauveur de me donner les forces nécessaires pour mener à l’avenir une vie plus pure que par le passé. »

Il étendit la main pour me demander de le conduire ; je pris cette main chérie et je la tins un moment pressée contre mes lèvres ; puis je la passai autour de mon épaule : étant beaucoup plus petite que lui, je pouvais lui servir d’appui et de guide. Nous entrâmes dans le bois et nous retournâmes à la maison.