Page:Brontë - Un amant.djvu/50

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gens y avaient tant d’allures bizarres qu’elle ne pouvait pas commencer maintenant à être curieuse.

Trop anéanti pour être moi-même bien curieux, je fermai solidement la porte, et jetai un regard autour de la chambre en quête du lit ; tout le mobilier consistait dans une chaise, un porte-manteau et une grande armoire de chêne avec, tout près du haut, des carrés découpés ressemblant à des fenêtres de calèche. Lorsque je me fus approché de cette construction et que je l’eus regardée en dedans, je découvris que c’était une singulière espèce de lit à la vieille mode, très ingénieusement imaginée pour rendre inutile à chaque membre de la famille d’avoir une chambre à lui. En fait, cela formait un petit cabinet isolé ; et le rebord d’une fenêtre comprise dans l’installation servait de table. J’ouvris les panneaux, j’entrai avec ma lumière, je les refermai de nouveau ; et je me sentis rassuré contre la vigilance de Heathcliff ou de tout autre.

Excité comme je l’étais, je fus longtemps incapable de m’endormir : et le sommeil, lorsqu’il vint, m’apporta les plus horribles cauchemars. Il me sembla que j’avais les pieds et les mains enchaînés, et que je me mettais à crier tout haut dans une frénésie de terreur.

À ma grande confusion, je découvris que mon cri n’était pas une imagination : j’entendis des pas pressés s’approcher de la porte de ma chambre ; quelqu’un l’ouvrit d’une main vigoureuse et je vis une lumière briller, par les carrés disposés au sommet de mon lit. J’étais assis, encore tremblant, et essuyant la sueur de mon front : le nouveau venu semblait hésiter et se murmurait quelque chose à lui-même. Enfin il dit à demi-voix, d’un ton qui prouvait qu’il ne s’attendait pas à une réponse : « Y a-t-il quelqu’un ici ? » Je jugeai qu’il valait mieux avouer ma présence, car j’avais reconnu la voix de Heathcliff et je