Page:Brontë - Un amant.djvu/52

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cette façon ? tonna Heathcliff avec une véhémence sauvage. Comment, comment osez-vous, sous mon toit ? Dieu ! il est fou pour parler ainsi ! (Et il frappa son front avec rage).

Je ne savais pas si je devais me montrer froissé de ces paroles ou poursuivre mon explication ; mais il me sembla si profondément affecté que je pris pitié et détaillai à mon hôte l’histoire de mes rêves.

Pendant que je parlais, Heathcliff peu à peu se reculait dans l’ombre du lit, il finit par s’asseoir derrière, presque entièrement caché à ma vue. Pourtant, sa respiration irrégulière et entrecoupée me fit deviner qu’il luttait pour vaincre un excès d’émotion violente. Ne voulant pas lui laisser voir que je l’entendais, je continuai ma toilette le plus bruyamment que je le pouvais, je consultais ma montre, et monologuais sur la longueur de la nuit : « Pas encore trois heures ! j’aurais juré qu’il en était six. » Le temps stagne ici : bien sûr que nous nous sommes couchés à huit heures.

— Toujours à neuf heures en hiver, et le lever à quatre, dit mon hôte, arrêtant un grognement ; je supposai en même temps, par l’ombre du mouvement de son bras, qu’il essuyait une larme dans ses yeux. M. Lockwood, ajouta-t-il, allez dans ma chambre : vos cris ont envoyé au diable mon sommeil pour cette nuit.

— Le mien aussi, répondis-je. Je vais me promener dans la cour jusqu’à ce qu’il fasse jour, puis je partirai ; et vous n’avez pas besoin de craindre que je recommence mon invasion. Je suis maintenant tout à fait guéri du désir de chercher le plaisir dans la société, que ce soit à la campagne ou à la ville. Un homme sensé doit apprendre à trouver en lui-même une compagnie suffisante.

— Charmante compagnie ! murmura Heathcliff. Prenez la chandelle et allez où il vous plaira, je vous rejoins à