Page:Brontë - Un amant.djvu/56

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reste de mon séjour, le rôle d’une statue. Ce séjour d’ailleurs ne fut pas long. Je me refusai à partager leur déjeuner, et au premier rayon du jour, je m’empressai de m’échapper vers le plein air, qui était maintenant clair, tranquille et froid.

Mon propriétaire me cria de m’arrêter avant que je fusse arrivé au fond du jardin et m’offrit de m’accompagner jusqu’au bout du marais. Et c’est un bonheur qu’il l’ait fait, car tout le dos de la colline n’était qu’un houleux océan blanc : les hauteurs et les affaissements causés par la neige n’indiquant en aucune façon des hauteurs et des affaissements correspondants dans le sol. Il y avait ainsi plusieurs puits que la neige avait entièrement nivelés ; et des rangées entières de remblais avaient été effacées de la carte que ma promenade de la veille avait laissée imprimée dans mon esprit. J’avais remarqué d’un côté de la route, à des intervalles de six ou sept yards, une ligne de pierres dressées, qui se prolongeait tout le long de la steppe ; elles avaient été dressées et barbouillées de chaux afin de servir de guides dans les ténèbres, ou encore dans les cas comme celui-ci, de façon que l’on pût distinguer le sentier ferme des marais profonds qui s’étendaient sur les deux côtés ; mais à l’exception de points sales qui émergeaient un peu çà et là, toute trace de leur existence avait disparu ; et mon compagnon fut souvent forcé de m’avertir de tourner sur la droite ou sur la gauche, alors que je m’imaginais suivre correctement les détours du chemin.

Nous échangeâmes fort peu de mots. Il s’arrêta à l’entrée de Thrushcross Park, me disant qu’il n’y avait plus d’erreur à faire depuis là. Nos adieux se bornèrent à un rapide salut ; et je continuai mon chemin, me fiant à mes propres ressources, car la loge du portier est à présent inoccupée. La distance de cette porte à la Grange est de