Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/112

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du comptoir était grande ouverte, la brise et le soleil entraient librement ; seulement le premier de ces visiteurs n’apportait aucun parfum sur ses ailes, mais de temps à autre une bouffée de la sulfureuse et noire fumée qui se précipitait de la haute cheminée de la fabrique.

Une sombre apparition (celle de Joe Scott, sortant d’une cuve de teinture) se montra un instant sur la porte ouverte, prononça les mots : « Il est venu, monsieur, » et disparut.

M. Moore ne leva pas les yeux de son journal. Un homme d’une taille élevée, aux larges épaules, aux membres solides, vêtu d’habits de futaine et portant des bas gris, entra, fut accueilli par un signe de tête et invité à prendre un siège ; ce qu’il fit, émettant la remarque, en ôtant son chapeau (un très-mauvais chapeau) qu’il plaça sous sa chaise et après s’être essuyé le front avec un mouchoir de poche de coton souillé extrait dudit chapeau, qu’il faisait extrêmement chaud pour une journée de février. M. Moore fit un signe d’assentiment ; au moins murmura-t-il quelques sons qui, quoique inarticulés, pouvaient passer pour un assentiment. Le visiteur déposa ensuite soigneusement à côté de lui le bâton officiel qu’il tenait à la main ; cela fait, il se mit à siffler, probablement par manière d’indiquer qu’il était à son aise.

« Vous avez ce qu’il vous faut, je suppose, dit M. Moore.

— Oui, oui, c’est bien. »

Il renouvela son sifflement, Moore sa lecture. Apparemment le journal était devenu plus intéressant. Bientôt cependant il se tourna vers le buffet qui était à portée de son bras, l’ouvrit sans se lever, en tira une bouteille noire, celle avec laquelle Malone avait fait connaissance, un gobelet, une cruche, les plaça sur une table et dit à son convive :

« Buvez un coup ; il y a de l’eau dans cette jarre, là au coin.

— Avec plaisir ; on a toujours soif le matin, dit le monsieur aux vêtements de futaine, se levant et faisant ce que Moore venait de lui dire. Ne prendrez-vous rien vous-même, monsieur Moore ? demanda-t-il en préparant sa mixture d’une main habile, puis, buvant un long coup, il se laissa retomber avec satisfaction dans sa chaise.

Moore, ordinairement sobre de paroles, répondit par un signe de tête négatif.

« Vous avez tort, continua le visiteur ; il n’y a rien de tel