Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/121

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patron je me lève pour les défendre. C’est pour cela que je vous parle aujourd’hui face à face, et que je vous conseille de vous défaire de vos infernales machines et de reprendre des ouvriers.

— Et qu’arriverait-il si je ne suivais pas votre avis, monsieur Barraclough ?

— Que le Seigneur vous pardonne ; que le Seigneur amollisse votre cœur, monsieur !

— Êtes-vous wesleyen, maintenant, monsieur Barraclough ?

— Dieu soit loué ! son saint nom soit béni ! je suis méthodiste.

— Ce qui ne vous empêche nullement d’être à la fois un ivrogne et un fripon. Je vous vis un soir, il y a une semaine environ, étendu mort-ivre au bord de la route, en revenant du marché de Stilbro’ ; et, pendant que vous prêchez la paix, toute l’occupation de votre vie est de fomenter les dissensions et le trouble. Vous ne sympathisez pas plus avec les pauvres gens qui sont dans le malheur qu’avec moi. Vous les excitez au mal, pour accomplir vos mauvais desseins ; ainsi fait l’individu appelé Noë. Vous êtes tous deux de turbulents intrigants et d’effrontés coquins, dont le principal mobile est une ambition égoïste, aussi dangereuse que puérile. Derrière vous je vois quelques hommes honnêtes, et seulement égarés ; mais vous deux, je vous connais pour d’incorrigibles misérables. »

Barraclough allait répondre.

« Silence ! vous avez eu votre tour, c’est au mien de parler. Quant à recevoir des injonctions de vous, ou de quelque Jack, Jem ou Jonathan que ce soit, c’est ce que je ne peux souffrir. Vous me conseillez de quitter le pays, vous me demandez d’abandonner mes machines ; et, pour le cas où je refuserais, vous me menacez. Je refuse positivement. Je reste ; je garde ma manufacture, dans laquelle je ferai venir les meilleures machines que les inventeurs pourront me fournir. Que ferez-vous ? Le pire que vous puissiez faire, et cela vous ne l’oserez jamais, c’est de brûler ma fabrique, de détruire son contenu et de m’assassiner. Et alors ? Supposez le bâtiment en ruines et moi un cadavre, vous qui êtes là derrière ces deux scélérats, en serez-vous plus avancés ? Aurez-vous arrêté l’invention ou épuisé la science ? Pas seulement une seconde ; un autre et meilleur moulin à fouler le drap s’élèvera sur les ruines de