Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/168

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de Stilbro’, soit vers les riantes prairies de Nunnely, au retour son chemin la ramenait toujours auprès de Hollow. Elle descendait rarement au fond de la vallée, mais elle apparaissait sur la hauteur aussi régulièrement que les étoiles se levaient sur la montagne. Le lieu où elle se reposait était un certain passage sous une vieille épine : de là elle pouvait découvrir le cottage, la fabrique, le jardin, l’écluse calme et tranquille ; de là elle découvrait la fenêtre bien connue du comptoir, derrière les vitres de laquelle étincelait, à heure fixe, la brillante lueur d’une lampe également connue. Son but était de guetter l’apparition de cette lumière ; sa récompense de l’apercevoir, tantôt étincelant dans l’air pur, tantôt vacillant à travers le brouillard, d’autres fois brillant au milieu des lignes obliques de la pluie, car elle venait en tout temps.

Il y avait des nuits où la lumière ne se montrait pas : elle savait alors que Robert était absent, et elle s’en allait plus triste ; tandis que l’apparition de cette lumière la rendait joyeuse, comme si elle voyait en elle la promesse de quelque vague espérance. Si, pendant qu’elle regardait, une ombre se penchait entre la lampe et la fenêtre, son cœur bondissait ; cette éclipse, c’était Robert qui la produisait. Elle l’avait vu. Elle s’en retournait alors à la maison, consolée, emportant dans son imagination une idée plus précise de son bien-aimé, un souvenir plus distinct de sa voix, de son sourire, de son maintien. Puis, à ces impressions ne tardait pas de se joindre la douce persuasion que, si elle pouvait arriver jusqu’à lui, Robert ne pourrait que se réjouir de sa présence ; qu’en ce moment, il serait peut-être tout disposé à lui tendre la main, à l’attirer vers lui, à la placer à son côté, sous sa protection, comme autrefois. La nuit suivante, quoiqu’elle pleurât comme de coutume, il lui semblait que ses larmes étaient moins brûlantes ; l’oreiller sur lequel coulaient ces larmes lui paraissait plus doux ; la tête qui reposait sur cet oreiller souffrait moins.

Le plus court chemin de Hollow à la rectorerie passait à côté d’une certaine demeure, la même que celle sous les murs solitaires de laquelle Malone avait passé un soir, ainsi que nous l’avons mentionné au second chapitre de ce livre ; la vieille résidence inoccupée appelée Fieldhead. Depuis dix ans, elle n’avait pas été habitée par son propriétaire, mais ce n’était point pour cela une ruine : M. Yorke avait eu soin de la faire entretenir en bon état, et un vieux jardinier avec sa femme s’y