Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/23

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— Rapportez-vous-en à moi, vous verrez. Donnez-moi un couteau et une fourchette, je vous prie. »

Le vicaire retroussa ses manches et se mit vigoureusement à la besogne. Le manufacturier plaça sur la table des assiettes, un pain, une bouteille noire et deux gobelets. Il tira du buffet une petite bouilloire en cuivre, la remplit d’eau, la plaça sur le feu, à côté du gril, prit un citron, du sucre et un petit bol à punch en porcelaine ; mais, pendant qu’il préparait le punch, un coup frappé à la porte vint le déranger.

« Est-ce vous, Sarah ?

— Oui, monsieur. Viendrez-vous souper ?

— Non, je n’irai pas ce soir ; je coucherai à la fabrique. Ainsi, fermez les portes et dites à votre maîtresse qu’elle peut se mettre au lit. »

Il revint.

« Votre maison est dans un ordre parfait, observa Malone en retournant les côtelettes. Vous n’êtes pas sous le gouvernement des jupons, comme ce pauvre Sweeting, un homme destiné à subir la domination des femmes. Vous et moi, Moore… — en voilà une bien rissolée et pleine de jus…, — vous et moi n’aurons pas de juments grises dans nos écuries, lorsque nous nous marierons.

— Je ne sais pas, je n’ai jamais pensé à cela ; si la jument grise est belle et traitable, pourquoi non ?

— Les côtelettes sont prêtes ; le punch est-il fait ?

— En voilà un verre, goûtez-le. Quand Joe Scott et ses mignons arriveront, ils en auront leur part, pourvu qu’ils ramènent les métiers intacts. »

Malone devint fort joyeux pendant le souper : il riait à propos de rien, faisait de mauvaises plaisanteries qu’il applaudissait lui-même ; bref, il devint très-bruyant. Son hôte, au contraire, demeurait calme comme auparavant.

Il est temps, lecteur, que vous ayez une idée de ce même hôte : je vais essayer de l’esquisser pendant qu’il est là assis à table.

C’est ce que vous appellerez probablement à première vue un homme d’une étrange apparence ; car il est maigre, brun et pâle, très-singulier d’aspect ; son épaisse chevelure, éparse négligemment sur son front, atteste suffisamment qu’il dépense peu de temps à sa toilette ; il pourrait vraiment l’arranger avec plus de goût. Il semble ignorer la beauté et la symé-