Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/267

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plantations ; elle arriva à Fieldhead et pénétra dans la chambre de toilette de miss Keeldar. Elle avait bien fait de venir, ou Shirley fût arrivée trop tard. Au lieu de s’apprêter en toute hâte, elle était étendue sur un lit de repos, occupée à lire. Mistress Pryor, debout à côté d’elle, la pressait vainement de se lever et de s’habiller. Caroline ne perdit pas de temps en paroles : elle s’empara du livre, et, de ses propres mains, commença l’opération de la toilette. Shirley, que la chaleur rendait encore plus indolente, et gaie de sa jeune et joyeuse nature, voulait parler, rire et s’amuser ; mais Caroline, qui voulait arriver à l’heure, persévéra à l’habiller aussi vite que ses doigts pouvaient attacher des cordons ou piquer des épingles. À la fin, comme elle achevait de réunir une rangée d’agrafes et d’œillets, elle trouva le loisir de la gronder, lui disant que c’était fort mal à elle d’avoir si peu d’exactitude ; qu’elle ressemblait en ce moment même à l’image de la Nonchalance : ce qui était vrai, mais c’était au moins une fort aimable figure de cette élégante déité, née de la richesse et du loisir.

Shirley offrait un frappant contraste avec Caroline : il y avait du style dans chaque pli de ses vêtements, dans chaque ligne de son visage : la riche étoffe de soie l’habillait mieux qu’un costume plus simple ; l’écharpe richement brodée lui allait à merveille ; elle la portait négligemment, mais avec grâce ; la guirlande qui ornait son chapeau faisait un excellent effet ; chaque ornement était à la place que le goût et la mode lui assignaient. L’ensemble de la mise était en harmonie parfaite avec le franc éclat de ses yeux, le sourire un peu satirique qui se jouait sur ses lèvres, son port droit et ferme et son pas léger. Caroline lui prit la main lorsqu’elle fut habillée, la fit descendre rapidement, et elles se mirent à courir en riant à travers les champs, semblables à une blanche colombe et à un oiseau de paradis aux vives et brillantes couleurs, associés dans leur volée commune.

Grâce à la promptitude de miss Helstone, elles arrivèrent en temps opportun. Pendant que les arbres leur dérobaient encore l’église, elles entendirent les cloches sonner un appel mesuré, mais pressant. On entendait déjà distinctement le bruit des pas, le murmure des voix. D’un tertre élevé, elles apercevaient, sur la route de Whinbury, l’école de Whinbury qui approchait : elle se composait de cinq cents âmes. Le recteur et le vicaire, Boultby et Donne, étaient en tête : le premier mar-