Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un vêtement, d’un ruban ou d’un collet dont elle pouvait difficilement se passer, pour subvenir à l’habillement des élèves de sa classe ; et, comme elle n’avait point d’argent à donner, elle a suivi l’exemple de miss Ainley, en donnant son temps et son industrie et en cousant pour les enfants.

Non-seulement le cimetière est rempli, mais le jardin du recteur est couvert aussi d’une foule compacte : des couples et des compagnies de ladies et de gentlemen se promènent au milieu des lilas et des laburnes. La maison aussi est occupée ; aux fenêtres ouvertes se tiennent des groupes joyeux. Ce sont tous les patrons et les maîtres qui doivent grossir la procession. Dans le petit enclos de le paroisse derrière la rectorerie sont les musiciens des trois paroisses, avec leurs instruments. Fanny et Élisa, vêtues de la plus piquante façon, et avec des tabliers d’une blancheur éblouissante, parcourent leurs rangs, leur servant des quarts d’ale, dont une provision a été brassée dans les meilleures conditions, d’après les ordres du recteur et sous sa surveillance spéciale. Toutes les fois qu’il mettait la main à quelque affaire, elle devait être dirigée parfaitement. Il ne sanctionnait aucune dépense inutile ou inefficace ; depuis l’érection d’un bâtiment public ; d’une église, d’une école, ou d’une maison de justice, jusqu’à la cuisson d’un dîner, il était le partisan des choses libéralement et princièrement faites. Miss Keeldar lui ressemblait en cela, et ils s’approuvaient mutuellement.

Caroline et Shirley ne tardèrent pas à se mêler à la société. La première montra une aisance qu’elle n’avait pas d’habitude ; au lieu de s’asseoir dans un coin, ou de se retirer dans sa chambre jusqu’à ce que la procession fût passée en revue, comme elle avait coutume de faire, elle se mit à parcourir les salles, souriant et adressant la parole à l’un et à l’autre, et se montrant une tout autre créature. C’était à la présence de Shirley qu’elle était redevable de cette transformation : la vue de l’air et des manières de miss Keeldar lui avait fait un bien immense. Shirley n’avait aucune crainte de ses semblables, aucune tendance à s’éloigner d’eux et à les éviter. Tous êtres humains, hommes, femmes, enfants, que leur manque d’éducation ou leur présomption grossière ne rendait pas positivement insupportables, étaient également les bienvenus auprès d’elle. Cette disposition la faisait aimer de tout le monde, car elle dépouillait sa raillerie même de son aiguillon et donnait à