Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/289

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Les deux jeunes filles parcoururent le verdoyant passage en silence. Caroline la première reprit :

« Chercher les attentions d’un homme, lui faire des avances est un crime ; mais l’amour ! l’ange le plus pur ne devrait point en rougir. Et lorsque je vois ou que j’entends homme ou femme associer une idée de honte à l’amour, je déclare leur intelligence grossière, leur association dégradée. Nombre de ladies et de gentlemen qui se croient raffinés, et aux lèvres desquels est continuellement suspendu le mot vulgarité, ne peuvent mentionner l’amour sans trahir leur naturelle et imbécile dégradation : dans leur esprit, c’est un sentiment bas qu’ils ne rattachent qu’à des idées d’abjection.

— Vous décrivez ainsi les trois quarts du monde, Caroline.

— Ils sont froids, ils sont lâches, ils sont stupides sur ce sujet, Shirley ! Ils n’ont jamais aimé : ils n’ont jamais été aimés !

— Vous avez raison, Lina ! Et dans leur profonde ignorance ils blasphèment contre ce feu divin, ravi par un séraphin à un divin autel.

— Ils le confondent avec l’étincelle qui monte de l’enfer ! »

Le soudain et joyeux carillon des cloches mit fin au dialogue en rappelant tout le monde à l’église.




CHAPITRE XVII.

Que le bienveillant lecteur est prié de passer, comme servant d’introduction à des personnages peu importants.


La soirée était calme et chaude ; elle promettait de devenir lourde et accablante. Autour du soleil qui allait se coucher brillaient des nuages pourpres. De chaudes couleurs, plus ordinaires au ciel de l’Inde qu’à celui de l’Angleterre, teignaient l’horizon, et projetaient leurs reflets roses sur le flanc de la colline, sur la façade des maisons, sur les groupes d’arbres, sur la route qui se déroulait en serpentant et sur les ondoyants pâturages. Les deux jeunes filles descendirent lentement les champs : lorsqu’elles arrivèrent auprès de l’église, les cloches étaient