Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/328

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de charge et aux autres servantes, quelque peu effrayées de la sévérité inaccoutumée de leur maîtresse, produisit un grand bien : elle leur apporta une assistance efficace, et apaisa leur directrice. Un regard et un sourire de Caroline provoquèrent bientôt un sourire de Shirley. La première montait l’escalier de la cave avec un lourd panier.

« C’est une honte ! s’écria Shirley en se précipitant au-devant d’elle ; vous allez vous meurtrir les bras ! »

Elle s’empara du panier et le porta elle-même au milieu de la cour. L’orage était passé lorsqu’elle revint ; l’éclair avait disparu de ses yeux ; le nuage qui assombrissait son front s’était évanoui ; elle reprit ses manières cordiales et enjouées, tempérées par un léger remords que lui causait l’injuste accès de colère auquel elle venait de se laisser entraîner »

Elle présidait encore au chargement d’un chariot, lorsqu’un gentleman entra dans la cour et s’approcha d’elle sans qu’elle s’aperçût de sa présence.

« J’espère que miss Keeldar va bien ce matin ? » dit-il en jetant un regard scrutateur sur son visage un peu animé encore.

Elle le regarda, puis se mit à continuer son travail sans lui répondre. Un sourire de plaisir se jouait sur ses lèvres, mais elle ne le laissa pas voir. Le gentleman répéta sa salutation, se penchant afin que ses paroles pussent arriver plus facilement aux oreilles de Shirley.

« Assez bien, répondit-elle ; et M. Moore aussi, il me semble. À dire vrai, je n’étais pas fort en peine de lui ; s’il lui était arrivé quelque petit malheur, il n’eût eu que ce qu’il mérite : sa conduite a été, nous dirons étrange quant à présent, en attendant que nous trouvions le temps de la caractériser par une épithète plus exacte. Cependant, puis-je lui demander ce qui l’amène ici ?

— M. Helstone et moi venons de recevoir à l’instant le message par lequel vous nous informiez que tout ce qui est à Fieldhead est à notre service. Nous avons pensé, d’après la formule de votre offre, que vous alliez vous donner beaucoup trop de mal : je vois que nous avions conjecturé juste. Nous ne sommes pas un régiment : une demi-douzaine de soldats, et autant de civils, pas davantage. Permettez-moi donc de retrancher quelque chose de ce trop abondant approvisionnement. »