Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/450

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« Ève !

— Seigneur ! s’écria-t-elle, contemple ta servante. »

Elle avait sa religion : toute tribu avait quelque croyance.

« Je viens à toi : je suis le Consolateur !

— Seigneur, hâtez-vous ! »

Le Soir rougissait plein d’espoir ; l’air palpitait ; la lune montait large et brillante, mais sa lumière n’éclaira aucune forme.

« Penche-toi vers moi, Ève. Viens dans mes bras ; repose-toi sur mon sein.

— Je m’appuie sur toi, ô être Invisible. Mais qui es-tu ?

— Ève, j’ai apporté du Ciel le breuvage de vie. Fille de l’homme, bois à ma coupe !

— Je bois ; il me semble que la plus douce rosée ait visité mes lèvres. Mon cœur aride revit ; mon affliction est soulagée ; mon angoisse et mes luttes ont disparu. Et la nuit change ! les bois, la montagne, la lune, le ciel, tout est changé !

— Tout change, et pour toujours. J’ôte l’obscurité à ta vue ; je délivre tes facultés de leurs fers ; sur ton chemin j’aplanis les obstacles. Avec ma présence, je remplis le vide : je réclame comme mien l’atome de vie perdu ; je prends pour moi l’étincelle d’âme qui auparavant brûlait oubliée !

— Oh ! prends-moi ! oh ! réclame-moi ! Tu es un dieu.

— Un fils de Dieu ; un être qui se sent lui-même dans la portion de vie qui t’anime ; auquel il est permis de réclamer son bien, de le nourrir, de l’aider, afin qu’il ne périsse pas abandonné.

— Un Fils de Dieu ! Suis-je donc vraiment élue ?

— Toi seule sur cette terre. J’ai vu que tu étais belle : je savais que tu étais à moi. Il m’est donné de te sauver, de te soutenir, de te chérir. Reconnais en moi ce séraphin nommé sur la terre le Génie.

— Mon glorieux époux ! vraiment descendu d’en haut ! Tout ce que je désirais, enfin je le possède. Je reçois une révélation. L’idée confuse, l’obscur murmure qui m’ont hantée depuis ma jeunesse, sont interprétés. Tu es celui que je cherchais. Fils de Dieu, prends ton épouse !

— Sans être humilié, je puis prendre ce qui est à moi. N’ai-je pas moi-même ravi de l’autel la flamme qui a allumé la vie d’Ève ? Reviens dans le ciel d’où tu fus envoyée. »

Cette présence, invisible, mais toute-puissante, l’envelop-