Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/451

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pait comme le troupeau enveloppe le jeune agneau. Cette voix, tendre mais pénétrante, vibrait dans son cœur comme une douce musique. Son œil ne percevait aucune image ; et cependant sa vision et son cerveau avaient comme le sentiment de la pure sérénité de l’air, du pouvoir des mers, de la majesté des étoiles, de l’énergie des éléments, de l’inébranlable solidité des montagnes, et par-dessus tout, de l’éclat d’une héroïque beauté s’élançant victorieuse sur la Nuit, dont elle dispersait les ombres comme un divin Soleil.

Telle fut l’heure de l’hymen du Génie et de l’Humanité. Qui répétera l’histoire de leur union depuis ce temps-là ? Qui peindra ses félicités et ses misères ? Qui racontera les longues luttes entre le Serpent et le Séraphin ? Comment le Père du mensonge voulut insinuer que le mal était le bien, l’orgueil la sagesse, le poison la passion ? Comment l’Ange redoutable le défia, lui résista, le repoussa, purifia la coupe souillée, exalta l’émotion dépravée, rectifia l’instinct pervers, découvrit le venin caché, confondit la tentation effrontée, purifia, justifia, guida et soutint ? Comment par sa patience, par sa force, par cette indicible excellence qu’il tenait de Dieu, son origine, le fidèle Séraphin livra à travers le Temps une grande bataille pour l’humanité ; et quand le cours du Temps fut accompli, et que la Mort voulut barrer les portes de l’Éternité, comment le Génie se tint auprès de son épouse mourante, la soutint dans l’agonie du terrible passage, et la porta triomphante dans sa demeure ; comment le Ciel la racheta, la rendit à Jéhovah, son créateur, et à la fin, en face des Anges et des Archanges, plaça sur son front la couronne de l’immortalité ?

Qui de ces choses écrira la chronique ?



« Je ne pus jamais corriger cette composition, dit Shirley, lorsque Moore eut fini. Votre plume de censeur l’avait couverte d’observations critiques que je m’efforçai en vain d’approfondir. »

Elle avait pris un crayon sur le bureau du précepteur, et elle s’occupait à dessiner de petites feuilles, des fragments de piliers, des croix brisées, sur les marges du livre.

« Vous pouvez avoir à moitié oublié le français ; mais vous