Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/465

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dernier le temps était pluvieux et orageux ? Si mauvais en vérité, qu’elle ne voulut pas permettre de seller Zoé ; et cependant la tempête qu’elle trouvait trop rude pour sa jument, elle l’a affrontée elle-même à pied : cette après-midi-là, elle marcha presque jusqu’à Nunnely. Je lui demandai, à son retour, si elle ne craignait pas de prendre un rhume. « Nullement, me dit-elle, ce serait une trop heureuse chance pour moi. Je ne sais pas, Harry ; mais la meilleure chose qui pût m’arriver, serait d’attraper un bon rhume ou une bonne fièvre, et de mourir comme tous les chrétiens. » Elle est malade, vous voyez, monsieur.

— Malade, assurément ! Allez savoir où elle est ; et, si vous pouvez avoir une occasion de lui parler sans attirer l’attention, demandez-lui de venir ici une minute.

— Oui, monsieur. »

Il saisit sa béquille, et se leva pour partir.

« Harry ! »

Il se retourna.

« Ne faites pas votre message mot pour mot. Formulez-le comme autrefois vous formuliez un appel ordinaire à la salle d’étude.

— Je comprends, monsieur ; elle obéira plus probablement.

— Puis, Harry…

— Monsieur ?

— Je vous appellerai, lorsque j’aurai besoin de vous ; jusque-là vous êtes exempté des leçons. »

Henry partit. M. Moore, resté seul, se leva de son bureau.

« Je puis être très-froid et très-hautain avec Henry, dit-il. Je peux avoir l’air de rire de ses appréhensions, et regarder du haut de ma dignité sa jeune ardeur. À lui je peux parler comme si, à mes yeux, ils étaient deux enfants. Voyons si je puis conserver le même rôle avec elle. J’ai vu le moment où je paraissais sur le point d’oublier ce rôle ; où la confusion et la soumission semblaient près de m’écraser avec leur douce tyrannie ; où ma langue bégayait ; où j’allais laisser tomber mon manteau et me montrer à elle non comme un maître, non, mais comme un tout autre personnage. J’espère bien ne plus tomber dans cette folie : c’est bon pour sir Philippe Nunnely de rougir lorsqu’il rencontre son regard ; il peut se permettre la soumission, lui ; il peut même sans danger laisser sa main trembler au contact de la sienne ; mais, si l’un de ses fermiers s’avisait de se montrer envers elle susceptible et sentimental, il mériterait