Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/472

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tranquille du tout, je pense. Il n’y avait aucun calme dans mon esprit.

— Il y avait du calme dans votre personne. Je me souviens d’avoir écouté pendant tout le temps que nous fûmes assis à goûter, pour entendre si vous remuiez dans la chambre au-dessus : tout était tranquille.

— J’étais assise au pied du lit, souhaitant que Phœbe ne m’eût point mordue.

— Et seule ! Vous aimez la solitude.

— Pardonnez-moi.

— Vous dédaignez la sympathie.

— Est-ce vrai, monsieur Moore ?

— Avec votre puissante intelligence, vous devez vous croire indépendante de tout secours, de tout conseil, de toute société.

— Qu’il en soit ainsi, puisque cela vous plaît. »

Elle sourit. Elle continua sa broderie rapidement et avec soin ; mais ses cils tremblèrent, puis ils brillèrent, et une larme en tomba.

M. Moore se pencha en avant sur son bureau, remua sa chaise, changea son attitude.

« S’il n’en est pas ainsi, demanda-t-il en donnant à sa voix une expression de douceur toute particulière, dites-moi ce que je dois penser.

— Je ne sais pas.

— Vous savez, mais vous ne voulez pas parler ; vous voulez tout renfermer en vous-même.

— Parce que cela ne mérite pas d’être partagé.

— Parce que personne ne peut vous donner le prix élevé que vous mettez à votre confiance. Personne n’est assez riche pour l’acheter. Personne n’a l’honneur, l’intelligence, le pouvoir que vous demandez dans votre conseiller. Il n’y a pas en Angleterre une épaule sur laquelle vous voudriez appuyer votre main, bien moins encore une poitrine sur laquelle vous voudriez reposer votre tête. C’est pourquoi vous devez vivre seule.

— Je puis vivre seule, si c’est nécessaire ; mais la question n’est pas de savoir comment vivre, mais comment mourir seule. Cette idée m’apparaît sous les couleurs les plus tristes.

— Vous appréhendez les effets du virus ?… vous pensez à une menace indéfinie, à un terrible sort ?… »