sant. Ne lisez-vous pas tout cela sur mon visage ? je ressemble à un vrai fantôme.
— Vous êtes changé, oui ; et cependant je vous eusse reconnu partout. Mais je comprends vos sentiments : j’ai éprouvé quelque chose de pareil. Depuis que nous ne nous sommes vus, moi aussi j’ai été très-malade.
— Très-malade ?
— Je croyais que j’allais mourir. L’histoire de ma vie me semblait achevée. Chaque nuit, juste à l’heure de minuit, j’avais coutume de m’éveiller après de terribles rêves, et le livre était là, ouvert devant moi, à la page où se trouvait écrit le mot : fin. J’avais d’étranges pensées.
— Vous parlez d’après ma propre expérience.
— Je croyais que je ne vous reverrais plus ; et j’étais devenue si maigre ! aussi maigre que vous êtes en ce moment. Je ne pouvais rien faire pour moi-même, ni me lever, ni me coucher, et je ne pouvais manger ; cependant, vous voyez que je suis mieux.
— Consolatrice triste et douce ! Je suis trop faible pour exprimer ce que je sens ; mais, pendant que vous parlez, je sens là quelque chose.
— Je suis ici, à votre côté, où je pensais ne me retrouver jamais : ici je vous parle, je vous vois m’écouter avec plaisir, me regarder avec bienveillance. Est-ce que je comptais sur cela ? je désespérais. »
Moore poussa un soupir, un soupir profond, presque un gémissement ; il couvrit ses yeux de sa main.
« Puissé-je être épargné, pour faire quelque expiation ! »
Telle était sa prière.
« Et pourquoi ?
— Nous ne toucherons pas à ce sujet maintenant, Cary ; faible comme je le suis, je n’ai pas le pouvoir d’aborder une telle question. Mistress Pryor était-elle avec vous pendant votre maladie ?
— Oui (Caroline sourit joyeusement) ; vous savez qu’elle est ma mère ?
— Je l’ai appris ; Hortense me l’a dit : mais je veux aussi apprendre cette histoire de votre bouche. Ajoute-t-elle à votre bonheur ?
— Quoi ! maman ? Elle m’est chère ; je ne puis dire combien elle m’est chère. J’étais toujours abattue, elle m’a soutenue.