Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/75

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— Je le fais, et je suis fière de vous. Robert, vous ne pouvez imaginer quelles sont mes pensées à votre égard. »

La sombre figure de Moore changea de couleur. Ses lèvres sourirent et cependant demeurèrent comprimées ; la joie brillait dans ses yeux, quoiqu’il fronçât résolument le sourcil.

« Ne me tenez pas en si grande estime, Lina, dit-il. Les hommes, en général, sont une espèce d’écume, bien différents de tout ce dont vous vous faites une idée ; je n’ai aucune prétention à être meilleur que mes semblables.

— Si vous en aviez, je ne vous estimerais pas autant ; c’est parce que vous êtes modeste que j’ai une telle confiance en votre mérite.

— Est-ce que vous voulez me flatter ? demanda-t-il en se tournant brusquement vers elle, et scrutant son visage d’un œil pénétrant.

— Non, » dit-elle doucement, riant de sa soudaine vivacité.

Elle ne crut pas nécessaire de repousser autrement l’accusation.

« Peu vous importe que je pense que vous me flattez ou non ?

— Peu m’importe, en effet.

— Vous êtes sûre de vos propres intentions ?

— Je le suppose.

— Quelles sont-elles, Caroline ?

— Seulement de soulager mon esprit en exprimant une partie de ce que je pense, puis de vous rendre plus content de vous-même.

— En m’assurant que ma cousine est ma sincère amie ?

— Justement. Je suis votre sincère amie, Robert.

— Et moi je suis ce que le hasard et le changement feront de moi, Lina.

— Pas mon ennemi, cependant ? »

La réponse fut coupée court par Sarah et sa maîtresse entrant avec agitation dans la cuisine. Le temps que Moore et Caroline avaient employé dans leur dialogue, elles l’avaient passé dans une dispute au sujet du café au lait, que Sarah disait être la plus étrange drogue qu’elle eût jamais vue, un gaspillage des dons du bon Dieu, la nature du café étant d’être bouilli dans l’eau ; que mademoiselle, au contraire, affirmait être un breuvage royal, mille fois trop bon pour la vile personne qui le méprisait.