Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/98

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bras, qu’elle se rappela enfin devoir offrir à mistress Sykes, qui lui en avait épargné la peine en s’y établissant d’elle-même), à quoi les misses Sykes répondirent par une révérence très-majestueuse et très-imposante. Une pause suivit ; cette révérence était de nature à assurer le silence pendant les cinq minutes suivantes, et elle n’y manqua pas ; mistress Sykes s’informa alors de M. Helstone, s’il avait eu de nouveaux accès de rhumatisme ; s’il ne se fatiguait pas en prêchant deux fois le dimanche ; s’il était capable encore de faire complètement son service ; et, sur la réponse affirmative, elle et ses filles répétèrent en chœur que, dans leur opinion, il était l’homme le plus extraordinaire de son âge.

Seconde pause.

Miss Mary, prenant la parole à son tour, demanda à Caroline si elle avait assisté au meeting de la Société biblique, tenu à Nunnely le jeudi précédent. La vérité força miss Helstone à répondre négativement, car le jeudi précédent elle était restée à la maison occupée à lire un roman que Robert lui avait prêté. Cette réponse provoqua une expression de surprise de la part des quatre ladies.

« Nous étions toutes là, dit miss Mary, maman et nous toutes. Nous avions même décidé papa à venir. Hannah avait insisté là-dessus, mais il s’endormit tandis que parlait M. Langweilig, le ministre morave. J’en fus toute honteuse : il faisait si singulièrement aller sa tête !

— Et il y avait le docteur Broadbent, cria Hannah. Quel bel orateur ! On ne s’attendrait pas à cela de lui. Il a une physionomie si vulgaire !

— Mais c’est un homme si aimé ! interrompit Mary.

— Un homme si bon, si utile ! ajouta sa mère.

— Seulement il ressemble à un boucher, dit la belle, la fière Henriette. Je ne pouvais le regarder, j’écoutais les yeux fermés. »

Miss Helstone sentait son infériorité et son incompétence ; n’ayant point vu le docteur Broadbent, elle ne pouvait donner son opinion. Une troisième pause eut lieu, pendant laquelle Caroline ressentit dans le fond de son cœur quelle folle rêveuse elle était, quelle vie impossible elle menait, combien peu elle était apte aux relations ordinaires avec le monde ; elle comprit qu’elle avait eu tort de s’être trop exclusivement attachée au blanc cottage de Hollow, et d’avoir borné tout son univers à