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père Joseph, et je pleurai sur lui. Les autres ouvrirent la porte du sépulcre, et ils déposèrent son corps à côté du corps de son père Jacques. Et lorsqu’il s’endormit, il avait accompli cent onze ans ; et il n’eut jamais aucune dent qui lui occasionna de la douleur dans la bouche, et ses yeux conservèrent toute leur pénétration ; sa taille ne se courba point, et ses forces ne diminuèrent pas. Mais il s’occupa de sa profession d’ouvrier en bois jusqu’au dernier jour de sa vie. Et ce jour fut le vingt-sixième du mois d’Abib.


CHAPITRE XXX.


Nous les apôtres, quand nous eûmes entendu notre Sauveur, nous nous levâmes remplis d’allégresse, et lui ayant rendu hommage en nous inclinant profondément, nous dîmes : « Ô notre Sauveur, tu nous as fait une grande grâce, car nous avons entendu des paroles de vie. » Mais nous sommes surpris du sort d’Énoch et d’Élie, car ils n’ont pas été sujets à la mort (13)[1]. Ils habitent la demeure des justes jusqu’au jour présent, et leurs corps n’ont point vu la corruption. Et ce vieillard Joseph, le charpentier, était ton père selon la chair. Tu nous as ordonné d’aller dans le monde entier prêcher le saint Évangile, et tu as dit : « Annoncez-leur la mort de mon père Joseph, et célébrez, par une sainte solennité, le jour consacré à sa fête. Quiconque retranchera quelque chose de ce discours, ou y ajoutera quelque chose, il commettra un péché. » Nous sommes aussi dans la surprise de ce que Joseph, depuis le jour que tu es né à Bethléem,

  1. La question de l’assomption d’Énoch et d’Élie exigerait une trop longue discussion, si nous voulions rapporter les opinions des divers docteurs à cet égard. Quant à Énoch, nous renverrons au Codex pseudepigraphus vet. Test. de Fabricius, t. i, p. 160-223, à une dissertation de dom Calmet, reproduite avec quelques changements dans la Bible de Vence (T. I. p. 366-384, édit. de 1779) et à l’introduction dont M. A. Pichard a fait précéder sa traduction du Livre d’Énoch sur l’Amitié (p. 21-32. Paris, 1838. 8o). Nous en dirons aussi quelques mots dans une de nos notes sur l’Évangile de Nicodème, et nous ajouterons que dans les écrits de quelques alchimistes, on trouve le récit d’un voyage que fait Alexandre le Grand à la montagne du Paradis ; il y rencontre un vieillard couché sur un lit d’or massif ; c’est Énoch ; « avant que l’eau du déluge ne couvrît la terre » dit le patriarche au conquérant « je connaissais tes actions. » Le livre connu sous le nom d’Énoch et dont le texte éthiopien nous a été conservé, paraît avoir été composé ou retouché par quelque sabéen ; les géants y sont représentés comme ayant une stature de trois cents coudées ; une pierre énorme supporte les quatre coins de la terre et six montagnes formées de pierres précieuses, brûlent nuit et jour, au sud du monde que nous habitons. Dans cet amas de rêveries, il règne une poésie obscure, sombre et grandiose ; reflet de celle de l’Apocalypse, elle est un nouveau témoin de cette préoccupation d’une autre vie, de cette foi à l’inconnu, à l’invisible dont la littérature de tous les pays et de tous les peuples porte des traces si remarquables.