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Pour terminer le portrait de mon ami, je vous dois une autre anecdote, notre visite chez Dufresne.

Dufresne était le plus pauvre de nos camarades et le plus ambitieux. Ouvrier quelconque, son père était mort lorsqu’il était enfant, et sa mère cousait du matin à la nuit, d’abord « pour le faire instruire », ensuite, « pour lui monter un bureau de dentiste » et « une clientèle ». Elle en était à la période de lui « trouver une fille riche ». Dufresne n’étant pas débrouillard, il se confiait à sa mère pour nouer des relations. Dans leur pauvre maison, elle donnait donc, aidée de sa nièce, des soirées où elle réussissait, je ne sais par quel hasard, à présenter des jeunes filles assez bien rentées. C’est à une de ces soirées que l’imprudent Dufresne avait invité Langlais.

Dans la petite maison du faubourg Québec, pour une fois toutes les pièces étaient éclairées. Comme chaque jour, elles fleuraient cependant la boule à mites, madame Dufresne préférant perdre une cliente plutôt qu’une robe à elle confiée. Toutes les pièces étaient éclairées, sauf la cuisine et les cabinets : « ce sera toujours ça de sauvé sur le compte d’électricité ».