Page:Brunet - Le mariage blanc d'Armandine, contes, 1943.djvu/187

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— Le jeune Larose s’est acheté un nouveau Gillette : il m’a donné son vieux. Je vais me raser comme les jeunes, à cette heure.

— Veux-tu que je te prête ma pommade, pour compléter ?

Monsieur Godin était toujours rabroué. Combien de fois, lorsque j’attendais Maurice dans le petit salon, j’entendis :

— Va fumer dans la cour. Ton tabac sent mauvais.

Il m’arriva même deux fois qu’au cours d’une promenade avec Maurice, j’aperçus un grand homme maigre qui, j’en étais sûr, était monsieur Godin. Il traversait la rue et s’arrêtait devant une vitrine. Maurice haussait le ton, gêné :

— Tu ne m’écoutes pas…

Il hâtait le pas jusqu’à ce qu’il y eût moins de risque d’être abordé par monsieur Godin.

Ce n’est pas que Maurice fût plus fier de sa mère. Cette grosse courte, qui venait me parler au salon, l’humiliait presque autant. Cependant elle le servait et surtout lui servait. Si le père était son esclave, sa mère était son intendante. Il lui accordait l’amitié qu’on porte aux domestiques qui ont eu des malheurs. Aux instants