Page:Brunet - Le mariage blanc d'Armandine, contes, 1943.djvu/41

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Il n’avait pas encore refusé, et, lassé par l’insistance de sa mère, il confessa qu’il ne pouvait aller chez son ami, vêtu comme il l’était :

— C’est assez d’être pauvre, sans se donner en spectacle.

Elle fut interdite devant la brutalité. Cependant, elle se maîtrisa (« les enfants comprendront jamais »), et, très émue, lui dit :

— J’ai un petit peu d’argent à la banque, de quoi te remettre tout en neuf. Je m’habille, je fais un chèque, puis on ira au magasin ensemble.

— Maman, c’est inutile, vous n’aurez jamais assez d’argent pour m’habiller comme les autres.

— Tu vas voir. À peine de me saigner à blanc.

Ils allèrent à la banque, et, quand elle eut son argent, il lui demanda :

— Vous ne trouvez pas que ce serait mieux que j’aille tout seul au magasin. Vous savez que je ne vous volerai pas ?

— Es-tu fou, mon garçon ?

— Un grand garçon comme moi, ç’à l’air drôle, se faire habiller…