Page:Brunet - Le mariage blanc d'Armandine, contes, 1943.djvu/64

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sauf le vendredi, les soirs de « rush ». La messe du matin, une femme qui ménageait comme lui, les potins du journal et la grosse nourriture qu’en dépit de son avarice monsieur Lapointe mangeait voracement, remplissaient fort bien son existence. Un petit drame, ça et là, mais « qui n’a ses croix » ? Pour lui, il en comptait au moins deux, que, pieusement il avait offertes : la perte du verre et ce jour qu’il s’était écrasé le doigt, en clouant une gravure dans la salle à dîner : « Mon gagne-pain, mon index » avait-il dit, « mon index droit, celui qui tient le crayon, quand je corrige mes épreuves. Si j’étais pas chrétien, comme il y en a, je dirais que le bon Dieu n’est pas juste ». En dépit du blasphème conditionnel, le doigt avait guéri, en dépit en outre des pâtes, onguents et liniments, dont il corrigeait les réclames et dont il avait voulu tâter.

Voilà que le bonheur de monsieur Lapointe était troublé, ou plutôt le bonheur de madame Lapointe. N’avait-il pas eu fantaisie d’élever un enfant ? Lui, qui s’était marié si tard et avec une femme mûre pour n’en avoir pas.

Un soir, il était arrivé chez lui, soucieux et, aux questions de sa femme, qu’il craignait