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LA FOLLE EXPÉRIENCE

porte jusqu’au moment que se refaisait le silence.

Sa volupté était la lecture. Il avait commencé par dévorer les livres de classe, et les exemples de la grammaire l’avaient acheminé vers la littérature. Il faisait coupures des poésies que les journaux publiaient et il avait proposé à sa tante de vider lui-même, « pour l’aider dans son ouvrage » le panier du docteur où se trouvaient des revues non coupées et des prospectus médicaux : il fourrait tout cela sous son matelas, puis lisait sans bien comprendre, dans le tram : il mêlait dans son sac livres de classes et publications de médecine, avec la peur de se faire pincer par le maître.

C’est à cette époque qu’il connut ce Dufort, qui passa toujours pour le meilleur ami de Philippe, qui aima sans doute Philippe à sa façon. Il le connut aux premières années du collège, et des années, Philippe passa tout son temps avec lui. Cette amitié commença par l’orgueil comme elle devait finir par l’orgueil : gauchement, ils n’eurent jamais terminé le jeu de cache-cache des vanités, où le vainqueur était vaincu à date presque fixe. Impartial, le hasard disait : chacun son tour, et le tour ne durait pas longtemps.

Dufort était aussi renfermé, aussi timide, aussi propre que Philippe. Cependant, d’abord, Philippe ne parlait pas à Dufort, parce que Dufort suivait une classe inférieure à la sienne.