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DE PHILIPPE

Dans le tram, il le laissait accaparer par son cousin, avec qui il revenait, et qui était de la même classe. Philippe n’en saisissait pas moins les regards avides de Dufort sur les conversa­tions qu’il menait avec un autre camarade, lorsque le hasard en fournissait un à sa timidité. Dufort rêvait sans doute de l’amitié de Philippe qui ferait de lui un homme.

Par passades et saccades, l’adolescence de Philippe laissait sa timidité pour s’étendre dans des confidences livresques, et il semblait ainsi intime et amical avec les jeunes garçons qui acceptaient sa conversation, ce qui donnait le change à Dufort. Il obtint donc l’amitié de Philippe, un jour que celui-ci n’avait plus de compagnon à qui montrer sa supériorité et que Philippe était gros de conversations. Ce fut Dufort qui l’aborda, très humblement. Tout de suite Philippe le mit à l’aise, par ce goût, pre­mier chez lui, de s’abaisser dans ses propres défaites, et c’était une défaite pour son orgueil qu’il consentît de frayer avec le tiers-état d’une classe inférieure. Le premier mouvement de Philippe était toujours la démission, et son orgueil ensuite reprenait le dessus.

Philippe mit Dufort à l’aise. Il était tout surpris de le voir aussi simple. Ce ne fut pas long, et, le sujet venant des lectures, comme Dufort parlait des romans qui le passionnaient, Henri Conscience et Raoul de Navery, comme si de rien n’était et avec un rengorgement de