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LA FOLLE EXPÉRIENCE

— Voyons, tu sais bien que c’est une blague.

Il se préparait à rire avec lui de la bonne farce. Mais ce n’était pas une farce et l’incroyance fit son chemin dans cette tête de bon sens, aidée par ces passions adolescentes que l’observation de Philippe voyait poindre dans les regards que son ami jetait aux affiches de cinéma, aux réclames des dancings.

Cela ne se fit point sans combats. À une retraite que l’on prêchait, Philippe ayant lancé quelques bourdes sacrilèges, l’autre, enfant posé et timide dans sa lourdeur, le frappa d’un poing vigoureux jusqu’à le faire chanceler :

— C’est assez, ça !

Trois jours après, tâtant l’eau d’un pied prudent, Philippe avait pu recommencer. Maintenant, Dufort paraissait jeter tout par-dessus bord. Il gardait des réserves pourtant :

— Toutes les religions sont peut-être pareilles : il y a tout de même un Dieu.

Cela fournit à Philippe un tremplin pour proclamer son athéisme, Philippe allant toujours jusqu’aux conclusions.

Toute l’année scolaire, Dufort suivit les leçons et les discours de Philippe, essoufflé souvent par ses paradoxes, et trop lourd pour le suivre dans ses contradictions. L’été, timidement et d’une écriture appliquée son orgueil prit sa revanche.

C’est que Dufort avait des parents riches, dont le seul luxe était une saison à la mer. Pour