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LA FOLLE EXPÉRIENCE

se divertir, disaient-ils, honteux de leur plaisir, mais en y découvrant, dans leur solitude, la réalité, la vie et la logique. La morale ne consiste-t-elle pas à faire ce qui me plaît ? songeait Philippe, un peu effrayé, or, je veux aller voir des femmes, et, comme je n’ai pas d’argent, et que Dufort en a bien peu, le seul moyen, c’est de voler.

Philippe se promenait longuement dans toutes les pièces de la maison, à la quête d’un porte-monnaie qui traînerait : il n’en voyait jamais, et il lui semblait que la tante Bertha, surprise de ces va-et-vient, l’espionnait avec inquiétude. Philippe craignait, comme toujours, que ses pensées ne fussent découvertes. Du reste, il ruminait avec une telle concentration qu’il avait peur sans cesse de parler tout haut, de se couper.

Il s’arrêta à une ruse élémentaire. Accompagné de Dufort, il irait chez un regrattier juif, qui vendait des bijoux, et, là, il s’emparerait d’une bague qu’il revendrait à un autre. Subtiliser ne serait pas difficile, il avait un bon truc : une bande élastique fixée dans sa manche, avec une sorte d’agrafe au bout, et, en examinant le plateau des bagues, pendant que Dufort amuserait le Juif, il saisirait la bague, qui disparaîtrait dans sa manche, attachée à l’agrafe.

C’est avec angoisse qu’ils entreprirent cette besogne saugrenue. Ils marchèrent longtemps,