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DE PHILIPPE

virilité. Il était désemparé. Il n’avait pas d’argent, et il lui fallait posséder une femme avant ce soir. Une grosse rousse, dont il détaillait effrontément les formes, se retourna brusquement :

— As-tu de l’argent !

Il baissa les yeux.

— Cesse de me regarder comme ça, dans ce cas-là.

Il monta donc dans un tram et cherchait l’histoire qu’il pourrait inventer, pour faire croire à Dufort qu’il avait été moins lâche que lui.

À la maison, ce fut un bain qu’il prit. En se dévêtant, il rencontra son scapulaire qu’il portait encore, par crainte de la tante : sa rage le déchira, et il finit par le jeter à la poubelle.

La crainte força désormais Philippe à éviter Dufort. Dufort lui représentait le vol, l’école de réforme, la prison et le bagne et le pénitencier. Des semaines, Philippe se coucha tôt, enfoncé dans ses oreillers et ses couvertures, des tampons d’ouate dans les oreilles, pour ne pas entendre la sonnerie du téléphone ou de la porte qui amènerait le père de Dufort, venu réclamer le produit du vol. Chaque matin, il se levait avec la peur que ce serait pour aujourd’hui. La volupté ni les lectures, les lectures enragées qu’il faisait, ne calmaient sa hantise. Il en vint à craindre de devenir fou. Bien