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LA MORT DU DOCTEUR

Philippe ne croyait pas à la maladie de son père. Rien ne pouvait être vrai de tout ce qui touchait son père, et chez lui il ne voyait jamais que mensonge. Cette maladie, c’était encore de cette méchante poésie que sécrétait si naturellement cet homme faux.

Philippe ne se l’avouait que lorsque le cynisme lui plaisait : son père était cet ennemi numéro Un dont le cinéma commençait de parler. Il représentait ce qu’il ne fallait pas croire, ce qu’il importait d’éviter, ce qui méritait le mépris. Et pourquoi porterait-il ces favoris et cette barbiche ?

S’il n’avait pas méprisé son père, Philippe n’aurait rien été. À qui d’autre aurait-il pu s’opposer aussi aisément ? Il avait cherché des admirations et des modèles lointains pour ne plus voir son père, et son père l’avait forcé à ces admirations lointaines.

Philippe croyait si peu à son père que le matin qu’il fut pris d’une congestion et que ce visage rouge, sali de barbe et la barbe salie de poils blancs, s’ouvrit sur des hurlements puérils, il songea à quelque comédie. Ces hurlements sonnaient faux, et les grimaces et les yeux épeurés de détresse représentaient à Philippe son père déclamant avec une emphase monotone :

C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit…