Page:Brunet - Les hypocrites (1) - La folle expérience de Philippe, 1945.pdf/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
42
LA FOLLE EXPÉRIENCE

— Vous voyez qu’il n’en a pas pour longtemps…

Philippe était heureux de le dire. Il en était heureux, parce que Philippe eut toujours le goût de biffer, de déchirer, d’en finir, sorte de rage d’enfant qui brise ses jouets, rage de timide qui veut tout détruire pour échapper à son mal. Il était heureux, parce que, ne croyant pas lui-même à la maladie de son père, les prétextes de la tante Bertha l’exaspéraient :

— Ce ne sera rien… Dans quelques jours, il sera remis…

Il triomphait maintenant de la tante Bertha. Elle ne voulait pas croire à la mort, pour l’écarter. C’était une timide qui ne voulait rien voir en face, qui camouflait toute vie.

En route, Philippe songeait à la tante Bertha, qui avait refusé qu’on le transportât à l’hôpital, qui lui rendait des soins de servante et d’infirmière. Elle l’avait sans doute aimé d’amour. Philippe était dégoûté : aimer son père, cet homme solennel, cet imbécile… Philippe tremblait en prononçant ce mot d’imbécile, il tremblait devant le sacrilège puéril, qui seul aidait sa timidité à supporter la scène.

Sa fantaisie lui représentait alors ces amours de pauvres. Son père devait la rabrouer, qui était d’une condition inférieure à la sienne, parente pauvre. Elle avait du moins le soin de son cadavre. Comme l’amour est chose grotesque et dégoûtante ! Philippe n’en rêvait pas