Page:Brunet - Les hypocrites (1) - La folle expérience de Philippe, 1945.pdf/47

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.
48
LA FOLLE EXPÉRIENCE

pilules que, pour ses nombreuses maladies, lui avait recommandées son médecin, une de ses idoles :

— Ça ne te fera pas de tort.

Un goût de maître, du maître qui n’est satisfait que lorsqu’il peut partager et qui ne trouve jamais le moment propice. Il ne faisait de projets que Philippe n’y fût associé.

Pour Philippe, il était tenu par l’alcoolisme : il avait toujours à boire chez Dufort, et abondamment, bien que Dufort surveillât les bouteilles ; il était encore tenu par son autre vice, rechercher les plaisirs de l’humiliation et des longues vengeances qu’il ruminait, revenant de chez Dufort.

Des mois, Philippe le délaissait. C’est qu’il changeait de milieux, qu’il avait pris quelque occupation qui alimentait sa vanité. Philippe ne revenait que de loin en loin conter ses succès. Dufort le recevait avec une cordialité triste et il regardait sans cesse l’horloge :

— Tu as le temps, tu as le temps…

Il versait à Philippe des verres à pleins bords. Il le soûlait littéralement, pour lui faire manquer quelque rendez-vous, qu’il fût à la merci de son amitié. Mais il y avait toujours des rendez-vous qui attendaient Philippe, et dont il décrivait les délices à son ami. Pour lui, chaque fois que Philippe le voyait, il avait des renseignements confidentiels et méchants sur